Hollywood & l'histoire
Entre mythes et réalité
Le divertissement avant l'histoire?
Comment devrions-nous percevoir les films historiques? De quelle manière une personne soucieuse de la justesse des faits historiques représentés devrait juger ces productions, qui ont également été créées dans le but de divertir?
Comme nous le savons, les historiens et les réalisateurs de productions cinématographiques ont de toute évidence des priorités différentes. En effet, en plus de passer son message, le réalisateur aura pour mission de créer une œuvre «grand public» qui saura être accessible pour le plus de gens possible. Il va donc souvent recourir à la dramatisation en suscitant les émotions chez le spectateur, que ce soit à l’aide de gros plan, d’effets sonores ou de la musique[1]. Cela ne signifie pas que les analyses d’historiens sont dénuées d’émotions, mais plutôt qu’il est beaucoup plus facile et surtout beaucoup plus important pour un réalisateur «d’émouvoir», s’il souhaite que son film ait du succès. Il accordera alors moins d’importances aux détails qui pourraient «nuire» au scénario et se permettra d’ajouter des personnages fictifs ou de déformer les faits dans le seul but de présenter un «meilleur divertissement». Le réalisateur sait très bien qu’il est important (au cinéma) que le spectateur puisse s’identifier ou s’attacher à au moins un personnage pour qu’il puisse ainsi développer de la compassion à son égard et rester captivé jusqu’à la fin. Ce qui n’est pas le mandat de l’historien qui désire présenter, dans la mesure du possible, la réalité telle qu’elle était, et qui, avec son esprit critique et ses méthodes de recherches rigoureuses, ne peut en aucun cas se permettre une telle liberté s’il veut préserver sa crédibilité.
L’ennui est que cette modification des faits historiques peut avoir un réel impact sur la manière dont nous comprenons et percevons le passé. Il ne faudrait pas sous-estimer l’influence que ces films peuvent avoir sur le «grand public». En effet, ceux-ci présentent souvent une version erronée, stéréotypée ou romancée de l’histoire.
Malgré tout, il faut prendre en compte que les films historiques occupent de toute évidence une grande place et qu’il est difficile de ne pas avoir été captivé ou conquis au moins une fois devant un film de ce genre. Il faut aussi comprendre qu’on se retrouve dans le monde de la fiction dès qu’on a recours à des acteurs (ce qui est évidemment nécessaire) pour jouer le rôle de personnages ayant déjà existé, puisqu’il s’agit encore là d’une interprétation[2]. De plus, les scénaristes n’auront pas le choix de recourir à des dialogues et à des situations inventées de toutes pièces pour pallier aux informations manquantes et remplir les «vides».
En fin de compte, l’idéal serait qu’à l’avenir, l’industrie du cinéma fasse plus d’efforts pour que les scénaristes portent plus attention aux anachronismes, et soient le plus possible fidèles aux éléments historiques de bases qui ne sont pas remis en doute et sur lesquels s’accordent les historiens. Tout compte fait, accepter un film de ce genre ne signifie pas nécessairement qu’on a renoncé à la «vérité», mais plutôt qu’on a accepté qu’il existe différentes manières (aussi fausses soit-elles) de représenter le passé. Puis, ces films peuvent nous amener à nous intéresser à une facette de l’histoire que nous ne connaissions pas et ainsi nous inciter à partir en quête de vérité. C’est à ce moment que le travail des historiens deviendra indispensable.
[1] Michel Condé. «Le film historique quelle vérité?», Centre culturel les Grignoux : écran large sur tableau noir, [en ligne], http://www.grignoux.be/dossiers/366 (page consultée le 17 novembre 2017).
[2] Ibid.

